Conversations sur des artistes, albums ou titres précis, lancer des blindtests, et donner des avis sur les morceaux ou les organistes et les groupes, présenter ses enregistrements. Propositions de sondages.
Il me semble bien que cette fois-ci JDF propose un projet innovant, basé sur ses compositions, en quartet. Ce que j'ai entendu, très musical, bien fait, m'a vraiment enchanté. Le talent et la technique de JDF au service de la musique... J'adhère et je cours acheter dès que possible!
Je remarque également que l'on parle un peu plus de l'orgue Hammond dans les médias. Hier encore sur FM, on a pu écouter Maurice Vander (à l'orgue), Lou Bennett, Eddy Louiss au sein d'une même émission... Un nouvel engouement pour cet instrument ou c'est moi qui y prête davantage attention?
Je partage ton impression générale sur ce nouvel album, qu'avec un brin d'humour on pourrait rebaptiser "Relaxing with Joe DeFrancesco" (référence au "Relaxing with Miles Davis Quintet") puisque la prouesse technique (dont on était tous convaincus depuis longtemps) fait à présent place à une musique plus apaisée, plus originale et plus inspirée que les incessantes reprises de "standards" auxquelles il nous avait habitué.
Petite allusion a la "Silk registration" de J. Smith dans Karma
En reprenant le chef d'oeuvre du chanteur et compositeur Sam Cooke "A change is gonna come", JDF veut sans doute nous indiquer que le "changement c'est maintenant"
Et si l'orgue Hammond suscite à nouveau l'intérêt d'échottiers ou de programmateurs, de mauvais esprits pourraient suggérer qu'ils sont à la solde d'un quarteron de fabricants de clones, soucieux d'en écouler le maximum.
J'ai écouté cet album aussi et ce qui me frappe c'est combien il s'agit d'un disque pour musiciens, je veux dire par là qu'il est produit dans un sens très traditionnel, les instruments ne sont pas maquillés pour sonner d'enfer ni même au mieux, mais de façon plutôt crue et qui parle immédiatement à la réalité musicienne quotidienne.
La batterie est très sage dans sa dynamique, visiblement elle est captée avec des micros très neutres et ensuite très peu retouchée, on dirait une sonorisation de salle de concert ordinaire. L'orgue est très moderne, hormis la wah wah (très réussie), il sonne plutôt ordinaire aussi, pas d'effet de style sur le Rhodes (qui fait presque pitié), le Wurlitzer est plutôt très bien représenté mais là encore il ne semble pas qu'il s'agisse d'un instrument moderne ou révisé à neuf, mais du clavier du coin. Le saxophone ne cherche pas non plus à masquer sa brillance nasale, et l'usage d'un délai fait quand même figure de blague si l'on a en tête les folies de production du jazz français actuel par exemple. Je ne dis rien de cela de façon péjorative, et je pense qu'il s'agit d'un parti pris et d'une réalité des conditions dans lesquelles cet album a été produit : il s'agit de plaire aux pairs autant qu'à un public américain moyen, c'est à dire de ne pas se préoccuper des snobismes des mélomanes de jazz. On se croirait à Philadelphie ou Phoenix comme à Saint-Louis dans cette musique, pas du tout sur la skyline de Manhattan.
Il y a aussi cette considérable part du saxophone, qui est omniprésent, au point que l'on songe à un album de saxophoniste de prime abord. C'est intéressant parce que cela signe la générosité de DeFrancesco, et une culture très profonde du jazz (peut-on seulement faire un quatuor ou un quintet avec un clavier pour tête d'affiche et soliste principal, et espérer faire sens quelque peu?)
Enfin Joey DeFrancesco prend là des accents George-Dukiens si l'on veut, dans son usage des claviers électro-acoustiques classiques et des modes très ouverts qu'il y applique. La wahwah sur l'orgue aussi est un truc de ces époques-là, très 70ies dans l'esprit, on ne s'en lasse pas.
On trouve dans les titres aussi, et en marge donc du son très New-Orleans, des références très politiques en ce début de présidence Trump, et chose rare, à aucun moment ne se trouve-t-on à penser qu'il s'agit de références politiques usurpées : c'est le DeFrancesco des quartiers pauvres de Philadelphie qui prend fait et cause pour une communauté de destin de pauvres ici, et là-bas, cette revendication passe par la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains tout aussi bien. Il y a presque trop d'histoire américaine et de réalité sociale US là-dedans pour que cela puisse plaire facilement à un public snob-jazz européen sans doute, mais cela n'a pas d'importance, parce que ce n'est manifestement pas du tout à ce public que cet album s'adresse, mais à des questions plus urgentes et plus profondes. (Mais à des musiciens, oui cela plaira sans doute, tant la musique est là présentée sans fard de façon "réelle".)
Modifié en dernier par ShiloKuma le mer. avr. 19, 2017 8:14 am, modifié 1 fois.
Ce qui me permettrait d'ajouter que ce ne sont pas les artistes qui parlent le mieux de leur art, mais les critiques.
Est-ce que JDF a pu avoir d'aussi profondes pensées en concoctant cet album ?. Toutes les suppositions sont recevables. Pour ma part, j'ai le sentiment qu'il a voulu rompre avec la formule de reprise de standards et la démonstration, souvent absente de sens, de sa phénoménale dextérité.
Il était peu être temps de s'éloigner des influences des J. SMITH, Don PATTERSON, etc, dont il ne s'était pas privé de reprendre les phrases (en accéléré) pour livrer au public un contenu plus accessible et moins typé "old school".
Tout compte fait, je vais peut être acheter ce CD !
D'autant qu'en créant quelques "standards" il pourrait aussi rajeunir son auditoire
Je prend toujours un malin plaisir à rappeler approximativement la phrase de J. LENNON auquel un journaliste demandait pourquoi le groupe ne reprenait pas de "standards" :
"C'est parce que nous les faisons nous-mêmes"
